Connaître l’environnement éditorial

Par Nila Kazar

#office #édition #concentration #droitsdauteur #livrenumérique #Edistat #paupérisation #écrivains

Longtemps j’ai vécu dans ma tour d’ivoire, négligeant ce fait pourtant évident : les conditions de vie d’un écrivain sont modelées par son environnement éditorial.

Croyez-moi, il faut sortir de cette tour, regarder autour de soi et s’efforcer de devenir un professionnel informé, en plus du créateur désintéressé que vous êtes déjà. Le plus tôt sera le mieux. Mon but avec ce blog est de vous faire gagner du temps !

Commençons par quelques chiffres récents :

> En France, 30.000 personnes travaillent dans l’édition ou la librairie. Au total, en 2013 il y a 74.000 emplois dans l’industrie du livre.

> Le salaire annuel moyen d’un cadre dans l’édition est de 31.000 €.

> 3.500 auteurs sont affiliés à l’AGESSA, la sécurité sociale des auteurs ; pour cela il faut gagner au minimum 8.400 € de droits d’auteur par an. (J’y ai été affiliée pendant vingt ans, ensuite j’ai trouvé que cela tournait à l’esclavage ; sous la pression des Grands Vérificateurs, pour conserver ce statut j’étais obligée d’accumuler des « activités annexes » de plus en plus envahissantes.)

En résumé : les écrivains font vivre un petit secteur économique, mais la plupart ne vivent pas de leur plume/clavier, excepté une ou deux centaines d’entre eux, estime-t-on faute d’enquête fiable.

Même histoire aux US, où 56% des auteurs se situent en dessous du seuil de pauvreté et gagnent moins de 11.670 $ (10.312 €) par an, comme en atteste cette étude 2015 de The Authors Guild (sorry, in English).

La faute à qui ? La faute à quoi ?

Suivez mon regard : l’éditeur serait-il le prédateur naturel de l’auteur, en vivant à ses dépens dans un rapport d’exploitation typique du faible par le fort ?

Bon, il y a un peu de ça. Les rapports auteur/éditeur ont toujours été compliqués. Balzac, quand il était énervé, c’est-à-dire à peu près tout le temps, traitait Machin d’épicier. Regardez ce qu’il en disait ci-dessous, ça vaut le détour !

Mais est-ce que ça suffit à expliquer la paupérisation des écrivains ?

Pour répondre à cette question, je vais résumer quelques points déterminants. Accrochez-vous, c’est un peu technique !

  1. Depuis le XIXe siècle, le libraire est le banquier de l’éditeur à cause du système de l’office. C’est l’envoi automatique des nouveautés au libraire qui les paie tout de suite, mais peut retourner les invendus au bout de trois mois (taux de retour : 25%). Il avance donc de la trésorerie à l’éditeur, alors qu’il n’en a pas les moyens. Ce système est responsable de l’inflation éditoriale. L’éditeur, plutôt que de rembourser au libraire les invendus, lui expédie l’office suivant (on appelle ça « faire de la cavalerie»). Il a donc intérêt à publier beaucoup de nouveautés. Le libraire, s’estimant submergé par celles-ci au détriment du fonds, effectue les retours de plus en plus tôt (deux mois). Et ainsi de suite, en un cercle vicieux qui s’accélère.

Selon Jean-Marc Bastardy, « les grands groupes éditoriaux gagnent de l’argent non pas sur l’édition des livres à proprement parler, mais sur le flux de la commercialisation de leurs supports matériels (livres imprimés) et les services lucratifs facturés aux libraires tout au long de la chaîne logistique offerte par les filiales de diffusion-distribution appartenant à ces mêmes groupes. »

On comprend le libraire dépassé qui se dit : à quoi bon ouvrir les cartons ?

Cela signifie que votre précieux bouquin, sur lequel vous avez sué sang et eau, ne verra peut-être jamais la lumière du jour. Ou seulement quelques semaines, sur quelques points de vente, avant d’être balayé par les nouveautés du prochain office.

Il n’y a par conséquent aucune corrélation entre le temps de création et la durée de vie d’un livre. Malgré une presse favorable, si votre livre n’est pas diffusé convenablement, vous en vendrez moins que du précédent. Et les éditeurs, ayant les moyens de le savoir (grâce à Edistat, voir le point 4), auront d’autant moins envie de publier le prochain… Autre cercle vicieux.

Je vous entends d’ici : « C’est vraiment trop inzuuuste ! »

calimero_trop_injuste

  1. Depuis les années 1980, un mouvement mondial de concentration dans l’édition a induit un nouvel effet pervers. Les actionnaires des grands groupes industriels qui détiennent désormais la plupart des maisons exigent 10 à 15% de rendement annuel, comme pour les autres secteurs. Or dans celui du livre, le maximum qu’on puisse espérer est de 3%, comme l’explique André Schiffrin ici et (une lecture indispensable !).

Une façon concrète de visualiser cette concentration est de comparer d’une année à l’autre le plan des stands qu’on distribue au Salon du livre de Paris : aujourd’hui, deux ou trois énormes masses occupent le centre (les grands groupes éditoriaux), entourées d’une myriade de taches multicolores (les petits éditeurs indépendants, relégués aux marges)…

Le même Jean-Marc Bastardy, dans sa lettre ouverte à Fleur Pellerin (que j’aurai encore l’occasion de citer), poursuit : « 10 groupes intégrant tous les maillons de la chaîne du livre assurent 80% du C.A. consolidé du secteur ; parmi eux, deux seulement captent plus de la moitié des revenus. Cette situation d’oligopole, comme toute économie concentrée, est régie par la logique des flux. Flux financiers, d’abord : on ne gagne plus d’argent sur les livres eux-mêmes, mais sur l’argent des livres. La nuance est importante car elle inverse les choix stratégiques de l’entreprise. Flux éditoriaux, ensuite : cette nécessité d’optimisation de la marchandise, des stocks donc, oblige à standardiser l’offre et à best-selleriser la production. »

En conséquence, dans les maisons les comptables brident les choix des éditeurs qui, placés en liberté surveillée, se risquent de moins en moins à miser sur des livres atypiques ou des auteurs méconnus. Et c’est au premier chef la biblio-diversité qui pâtit de cette dérive.

  1. Depuis les années 2000, dans la logique de cette best-sellerisation, un nouveau phénomène a pris de l’ampleur : le débauchage d’auteurs-stars au tarif des transferts de footballeurs. Des exemples ? Il y en a plein dans cet article, où l’on constate que c’est souvent un investissement décevant…

Ceci explique en partie pourquoi le mid-lister se voit proposer des pourcentages et des à-valoirs de plus en plus réduits, malgré une bibliographie respectable. Pour financer le million d’euros obtenu pour Houellebecq par son agent, il faut imposer à des dizaines de mid-listers dans mon genre un pourcentage de 8%, alors qu’ils ont débuté à 10%, et un à-valoir de 1.500 €, alors qu’ils ont culminé à 5.000 € (ce qui reste dérisoire, on est d’accord). Ils deviennent l’humus sur lequel croissent la fortune et la réputation de quelques élus.

Ainsi, comme dans les autres secteurs économiques, les inégalités se creusent entre les insiders et les outsiders.

  1. Un dernier bouleversement est intervenu récemment : Internet et le numérique. J’ai applaudi des deux mains à cet appel d’air inespéré, d’abord parce que les librairies en ligne ont revivifié le fonds. Les ouvrages introuvables sont redevenus disponibles. Tous les bouquins de l’histoire allaient désormais rester accessibles pour l’éternité, dans un espace virtuel illimité : merveilleux pour une lectrice vorace !

Assez vite, mes premiers romans ont refait surface dans des listes de titres. Mais mon enthousiasme est un peu retombé quand je me suis aperçue que je ne gagnais pas un centime sur ces anciens livres vendus d’occasion. Eh oui, on n’est rémunéré que sur la première vente…

Ensuite, l’édition numérique a commencé à se développer. Mais les éditeurs tradis, soucieux de préserver leurs ventes en poche et d’augmenter leurs marges (55% sur l’ebook, 36% sur le papier, voir ici), ont fixé des prix trop élevés pour que l’ebook soit vraiment attractif, comme l’explique cet article. De plus, il est impossible de commander des ebooks français depuis l’étranger, à cause du géo-blocage sur Internet. Ce qui incite au piratage : je retrouve mes livres en téléchargement gratuit sur certains sites mal famés peu de temps après leur parution.

Quant aux pourcentages que je perçois sur les versions numériques de mes bouquins, ils varient de façon sidérante, s’alignant parfois sur le papier alors que le prix de revient est très inférieur… Tout cela, disons-le carrément, n’a d’autre but que de préserver les acquis d’une corporation.

Alors, prédateur naturel de l’auteur ou pas, l’éditeur ?! Balzac, reviens, ils sont devenus fous !

Enfin il faut dire un mot du serveur Edistat, qui permet de suivre la courbe des ventes d’un titre au jour le jour, avec des statistiques à la demande. Un outil génial, croyais-je… Mais il s’est avéré que la transparence n’a pas que du bon. Vos chiffres de ventes connus de tous, plus d’arrangements possibles avec la réalité quand vous approchez un nouvel éditeur ! Il va tout de suite vérifier combien vous avez vendu chez votre ex-Machin. (Un malotru l’a même fait sous mes yeux.)

Or sachez qu’Edistat ne comptabilise pas les ventes en ligne, aux bibliothèques, en Suisse et Belgique. Si bien que le relevé de ventes éditeur pour 2014 d’un de mes livres mentionne 315, et celui d’Edistat, 187 exemplaires. Un déficit de 40 % !

Qu’est-ce qu’on disait, déjà ? Ah oui : « C’est vraiment trop inzuuuste ! »

Le-contratIl y a quinze ans déjà, Donald Westlake racontait dans un polar, Le Contrat (The Hook), comment son narrateur Wayne Prentice, traqué par les statistiques de ventes de ses précédents livres, tentait de relancer sa carrière en prenant des pseudonymes pour se présenter comme un auteur débutant. Du blanchiment de marque, si l’on veut. Mais – c’est la loi du genre – il finissait par échouer dans une impasse tragique…

Bon, d’accord, je vais tout faire pour éviter que le sang coule !

Le plus de Bazar Kazar : extrait de la Revue de Paris (Bruxelles, t. VII, juillet 1835), un article satirique sur les éditeurs, attribué à Balzac. Gaffe, il est en pétard, Honoré !

(…) Si l’éditeur était un homme d’esprit, ce serait un être prodigieux au bout de quelques années d’exercice. C’est le confesseur de tous les besoins littéraires; il sait par où sont passées les idées qui, plus tard, ont remué la société; il a vu le moment suprême où celui-ci a tourné à gauche, cet autre à droite, déterminé par la misère derrière et un billet de 500 francs devant. L’éditeur pourrait vous dire pourquoi tel homme est critique, au lieu d’être romancier; pourquoi celui-ci pair de France, au lieu d’écrivain philosophe; pourquoi cet autre commis insolent, au lieu de mercenaire à la feuille. L’éditeur fournit des discours à la chambre des pairs et des députés par commission. L’éditeur a plus d’une fois procuré à tel mandataire du peuple les applaudissements de son arrondissement, moyennant cent écus dont il donnait dix au faiseur de discours. L’éditeur, lorsqu’il publiait des livres sur l’histoire contemporaine, a vu venir chez lui les habits brodés de tous rangs, et les illustres après les plus pures réputations, priant, sollicitant, menaçant, boursillant pour qu’il supprimât une phrase ou un fait. L’éditeur connaît l’homme qui fait les mots heureux et les mots sublimes de presque toutes les gloires contemporaines; le mot de La Fayette mourant: Vous verrez la terre promise! a été fait par un carliste entre deux verres de champagne; l’éditeur a connu M. Thiers embrochant lui-même son gigot pour le faire cuire au feu de sa chambre à coucher; l’éditeur sait que le savant M… fait des fautes d’orthographe; l’éditeur sait comment on commande un livre né de l’inspiration, et qui n’est que le cri d’un cœur honnête. Que ne sait pas l’éditeur!

BalzacIl sait comment on fait un marché avec un auteur de manière à lui acheter sa vie et la lui payer 100 francs par mois; il sait comment il a fait marché pour imprimer mille exemplaires d’un livre, comment on tire deux mille, et comment on dit n’en avoir pas vendu cinq cents; il sait encore par quels moyens on dégoûte un homme de lettres de s’occuper de ses livres, et comment on les lui achète pour dix, douze, quinze ans. Et alors il faut voir, quand le livre est sa propriété, ce que l’éditeur en fait, comment ce terrain stérile devient fécond, publié en collections, en livraisons grand et petit format, avec ou sans gravures, édition de luxe, édition populaire, édition de poche, édition compacte; son auteur, dont quelque temps auparavant il parlait du bout des lèvres, son auteur, c’est un génie, c’est le seul génie de l’époque. L’annonce, la réclame, le prospectus, volent, courent, retentissent, et l’éditeur, au bout de dix ans, rend à l’homme de lettres sa propriété usée, sucée, épuisée, puis il va s’engraisser dans une douce oisiveté, tandis que l’écrivain maigrit encore au travail.
Et cependant toute cette science de l’éditeur s’efface devant la science d’un seul homme, devant la science de M. Lebigre, l’éditeur des éditeurs. M. Lebigre ne connaît pas les hommes de lettres, il ne connaît que les éditeurs. Véritable Melmoth, il les attend aux fins de mois; alors il leur apparaît avec ses écus sonnants à la main; alors, pour éviter un protêt (défaut de paiement), les volumes sortent de chez l’éditeur, à 20 sous l’exemplaire in-8°, pour aller s’enfouir dans les vastes magasins de la rue de la Harpe. Que dis-je? 20 sous? 20 sous, quand l’éditeur est debout; mais quand l’éditeur chancelle, c’est 10 sous; quand il est tombé sur la place du Châtelet, 5 sous (marché d’occasion). Oui, 5 sous! Vous y avez passé tous, littérature fringante et pittoresque de l’époque, à 5 sous tant qu’on en veut, et il en reste encore. Littérature haute et forte de l’école, vous n’y êtes point passée; vos œuvres ont été mises au pilon: on ne pouvait pas même vendre le papier.
Et maintenant, pour en revenir au point de départ de ces observations, je puis dire que je comprends la préférence accordée à l’épicier sur le libraire: c’est que M. Lebigre, ce libraire des libraires, cet éditeur des éditeurs, M. Lebigre, est épicier.


Des questions, des commentaires ? Allez voir un peu plus bas ! Et si l’envie vous taraude de goûter à mes écrits, ne résistez plus : mon dernier roman, Platonik, est ici (imprimé ou numérique). Pour vous en donner le goût, vous pouvez lire cette chronique-ci, ou celle-là !

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21 réflexions au sujet de « Connaître l’environnement éditorial »

  1. Décidément, encore un excellent article. Si cela continue, je vais devenir accro à ce blog. Bon, j’ai bien conscience que l’analyse d’une situation n’ouvre pas forcément sur les perspectives d’avenir, mais c’est sur la base de l’analyse qu’on peut construire l’avenir. Nous sommes, comme le disent nos « amis » économistes, dans la phase destruction, et le bon sol pour la phase construction n’est pas encore trouvé, ni encore bien défini. Merci.

  2. En ce qui me concerne, je suis accro à ce blog découvert récemment!
    Dans ce blog il est possible d’appendre ce que Machin ne vous dit jamais, comme le système de l’office. On peut en supposer le fonctionnement quand on tombe sur une maison d’édition qui joue les maisons d’abattage…
    Le moral dans les chaussettes, l’auteur découvre que son opus est périssable (dates courtes!), que les redditions de comptes sont opaques et que ce qui relève de l’art, obéit à la plus sordide obligation de rentabilité.
    Et encore… même si Machin ne perd pas d’argent avec votre bouquin, rien n’est gagné, c’est ça?
    Un petit oubli: le POD, votre opus serait imprimé à la demande… donc, exit la traçabilité des droits d’auteur…

    1. Non, rien n’est gagné même si votre livre « couvre ses frais » (atteint son point d’amortissement). Cela m’est arrivé, et Machin refusait le manuscrit suivant. Il attend davantage, et derrière lui, tous les actionnaires du groupe…
      Pour le POD, je ne l’ai pas expérimenté directement. Mais je compte dire un mot de la reddition des comptes d’éditeur. Sujet brûlant!

  3. Je voudrais en tant qu’ancienne libraire rajouter quelque chose sur les offices. Les libraires ne retournent que très rarement les offices car s’ils le font c’est à leurs frais ! Et les frais de port représentent une grosse partie de leur investissement. Le libraire se retrouve donc à vendre, et donc à conseiller s’il fait son métier, des livres qu’il n’a pas choisis. Si un libraire refuse les offices (oui, c’est possible) pour prendre le temps de choisir ses nouveautés, de les lire aussi, l’éditeur le punira en lui accordant une remise moindre. Les libraires disparaissent alors qu’ils servent les auteurs. Absurde non comme situation ?

    1. Oui, c’est absurde, contre-productif, et somme toute, révoltant. La bibliodiversité est menacée par ce système, qui tend de plus à dissuader le libraire de bien faire ce qu’il sait et aime faire. Cela prive de sens ce beau métier pas facile… Merci d’avoir partagé votre point de vue!

  4. Merci pour ce rappel des faits, Nila. L’édition est une industrie oligopolistique vivant aux dépens de ses points de vente et de ses fournisseurs. Les premiers vivent chichement, les seconds crèvent la faim. Quant aux petits concurrents, ils meurent étranglés par les distributeurs, qui font partie des grands groupes d’édition.

    Le pire, c’est que les grands éditeurs se servent de l’exception culturelle comme d’un alibi pour concentrer davantage, pressurer davantage auteurs et libraires, écraser davantage l’édition indépendante.

    On connaît la réponse de Schiffrin, qui a quitté un grand groupe pour travailler dans une maison sans but lucratif. celle des auteurs est l’auto-édition, ennemie jurée des grands groupes. La contre-offensive de ces derniers a déjà commencé, mais peut-on vraiment s’opposer à une mutation culturelle de cette envergure ? J’espère que non, car je considérerais le retour dans le giron de l’édition comme un échec.

    1. Je ne sais pas si vous incluez les auteurs parmi ceux que vous appelez les fournisseurs de l’édition tradi, mais vous pourriez le faire. Des fournisseurs d’une matière première éminemment raffinée, sur qui pèse presque tout le poids de la prise de risque et qui se trouvent les derniers et les moins rémunérés (je parle toujours des midlisters, bien sûr)…
      Je ne crois pas que l’évolution actuelle, liée aux nouvelles technologies, soit réversible. Je pense que les éditeurs tradis, au lieu de la freiner, devraient l’enfourcher en optant pour l’intelligence, l’inventivité, l’ouverture d’esprit. Qui vivra verra!

      1. Par « fournisseurs », j’entendais effectivement les auteurs, même si d’autres sont mieux lotis. Il vaut mieux être imprimeur ou graphiste, même mal payé, plutôt qu’auteur (surtout de jeunesse : 6 % de droits d’auteur en moyenne).

  5. Excellent article en effet!

    Une question: d’où vient ce chiffre de 25% de retours libraire?

    D’après mes sources, on aurait tendance à se rapprocher des 50% de livres pilonnés (détruits), soit un livre sur deux.

    Cela porterait à se demander s’il n’existe pas des accords secrets entre éditeurs et libraires pour que les libraires aient le droit de faire pilonner directement les livres, ou en tout cas de les remettre aux sociétés de pilonnage affrétées par les éditeurs, sans pour autant que ces livres directement détruits ne passent par la case « retour », évitant à la fois des stats de retour trop défavorables pour les éditeurs, et des frais de port aux libraires.

    Une sorte de rapport gagnant/gagnant du côté cynique de la Force…

    Une réflexion: en faisant une recherche sur l’ISBN (9791090571273) de mon livre Le Vagabond et quatre autres thrillers sur le site Edistat, celui-ci ne renvoie aucun résultat.

    Or, ce recueil, que j’autoédite et vend principalement en dédicace, vient de dépasser les 1000 ventes en livre papier, d’après mes propres chiffres.

    On peut donc en déduire que l’autoédition est une industrie de l’ombre sans doute très largement sous-estimée par l’édition traditionnelle.

    1. « D’où vient ce chiffre de 25% de retours libraire? » Ma source est le Syndicat de la Librairie Française, ou peut-être l’ASFORED – du moins je crois (ce billet date de quelques mois, désolée). En tout cas il est garanti fiable!

      Le pourcentage des retours n’a aucune corrélation avec celui des livres pilonnés, que vous m’apprenez d’ailleurs. Puisque tout dépend de la mise en place du titre… Les exemplaires pilonnés sont avant tout ceux qui n’ont jamais quitté les hangars de stockage de l’éditeur! Je ne vous suis pas du tout, là, cher Alan 😉

      Quant à Edistat, si j’ai bien compris, il se base sur une sélection de librairies de premier niveau censée être « représentative », mais laisse de côté de nombreux modes de diffusion. C’est pourquoi, d’après ma propre expérience d’auteur traditionnellement édité, il ne recense qu’environ 60% des ventes fermes. Il donne plutôt une image de la tendance.

      Oui, l’auto-édition est encore une industrie de l’ombre – pour l’instant!

      1. Merci pour l’info concernant les chiffres de retour.

        Ce chiffre d’exemplaires pilonnés est à mon avis plus signifiant que celui du nombre de retours (même si les retours ont une importance comptable énorme quand on est éditeur, bien sûr) pour un auteur qui voudrait se faire une idée de l’environnement éditorial: le gros éditeur peut annoncer un nombre important de livres imprimés à l’auteur, mais ce qui compte, ce sont les livres diffusés, et plus, encore, les livres rayonnés.

        A tel point en fait que cette notion de livres figurant en rayon au final devrait apparaître sur les contrats d’éditeur. Au moins un chiffre de départ garanti.

        Mais bon, c’est vrai que les auteurs faisant appel à un gros éditeur ont aussi raison de s’en remettre au chiffre de l’avance, parce que si ce chiffre est important, c’est lui qui garantira que l’éditeur s’investisse dans le projet.

        Mais je maintiens que le nombre de livres pilonnés est important, parce que l’industrie du livre est sans doute à ce niveau l’une des plus gaspilleuses qui soit (sachant que le recyclage du papier et de l’encre a un vrai coût écologique).

        Cela doit faire aussi partie de la réflexion de l’auteur, à mon sens, de privilégier les éditeurs qui vont mettre en avant des solutions les plus éco-responsables possibles.

        Même sans parler de l’écologie, cela démontre aussi le degré d’efficacité et de pertinence dès lors qu’il s’agit de vendre des livres.

        1. L’idée d’une clause contractuelle garantissant le nombre d’exemplaires mis en rayon me semble une piste très judicieuse! Je soupçonne que les auteurs de best-sellers la font figurer sans problème…

  6. Article intéressant et tout à fait vrai dans le cas des gros groupes d’édition.
    Il est dommage que tous les éditeurs indépendants, ces passionnés qui se battent, main dans la main avec les auteurs et qui sont écrasés par la diffusion/distribution et dénigrés par les libraires alors qu’ils sont ceux qui font le plus d’efforts pour sortir des livres de qualité et se battent pour faire connaître tous ces auteurs, ne soient pour ainsi dire pas évoqués…
    Pour ma part, petit éditeur sans le sou, c’est avant tout la passion qui guide mes pas, et mes auteurs sont des amis, je pourrais presque dire une seconde famille, même ceux qui viennent d’y entrer…
    Leurs projets sont toujours étudiés, et les suites d’un livre qui pourtant a du mal à démarrer vont sortir, car on ne vise pas une durée de vie éphémère, mais bien des livres qui vont avoir leur place pendant des années, si pas en librairie traditionnelle, au moins via des systèmes de vente alternatifs que nous développons entre petits éditeurs.

    Voici, pour moi, l’avenir de l’édition, qui, je l’espère, remplacera un jour l.oligopole de ces gros groupes et permettra une meilleure mise en avant de la diversité littéraire tout en donnant plus d’importance aux auteurs.
    On se bat pour ça, en tout cas

    1. Merci infiniment de votre commentaire! Mon billet en effet se concentre sur les éditeurs établis. Mais je connais l’engagement sincère des indépendants et leurs difficultés pour survivre dans un écosystème où le poids de la diffusion-distribution leur est souvent fatal. Peut-être que l’émergence du numérique et le bouleversement de la chaîne de valeur qui s’ensuit vont modifier les grands équilibres du secteur, et que cela bénéficiera aux indépendants? Les éditeurs établis ne semblent pas avoir pris la mesure de ce qui se passe, et mènent des combats d’arrière-garde pour préserver leurs marges. Ce n’est pas bon signe, il me semble…

    1. Mais Alice, tu deviens une vraie fan! Je me sens un peu mal de te faire passer une nuit blanche… ou au contraire, je me sens très bien de t’aider à traverser une insomnie, je ne sais plus 😉

  7. Bonjour Nila,
    Excellent article, bien documenté. Chapeau Balzac….
    Mais vivant dans un système capitaliste et piochant ses ressources dans les fontaines de ce système qui s’adapte à tout et en toutes circonstances, l’édition répond aujourd’hui aux lois du marché dont les premières sont de maintenir la cote boursière et les intérêts des actionnaires… sans oublier le pire sans doute, en bout de chaîne, le lecteur formaté qui à défaut de pousser un caddie, se plonge dans les têtes de gondole… Être indépendant a un prix… entre galères et fierté (pas mal placée).

    1. Tellement d’accord sur la difficulté de rester indépendant en tant qu’auteur! Pour ma part je n’ai trouvé comme solution que celle de naviguer entre deux états insatisfaisants, le nouveau me reposant du précédent… Mais écrire suppose déjà un caractère bien trempé, de l’obstination et le refus de rentrer dans les moules préétablis. Cette force nous aide à résister et… à résilier, si je puis dire!

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