Tout change, rien ne change…

…à votre avis, de quand date
cet extrait ? 😉

Kathleen Kyd ! La célèbre romancière mondaine qui avait inventé plus d’ « héroïnes favorites » que tous ses prédécesseurs réunis, l’auteur d’Amour et Vogue, de La Duchesse américaine, et de La Révolte de Rhona. Du Maine à la Californie, la mention de ce nom n’aurait manqué de faire battre le cœur d’aucune jeune fille intelligente !

– Mais oui, disait l’oncle James, Kathleen Kyd habite juste à côté. Frances G. Wallop de son vrai nom ; son mari est dentiste. C’est une personne très agréable et sociable, on ne croirait jamais qu’elle est écrivain. Vous savez comment elle a commencé à écrire ? Elle m’a tout raconté. Apparemment elle était vendeuse dans une boutique, pour un salaire de misère avec sa mère et une sœur phtisique à charge. Eh bien, un jour, elle a écrit un livre comme ça, pour s’amuser, et elle l’a envoyé à Home Circle. Bien sûr, ils n’avaient jamais entendu parler d’elle et elle pensait qu’ils ne donneraient pas suite. Mais, bien au contraire, ils ont accepté son roman et en ont redemandé. Elle leur a régulièrement envoyé des textes et l’Amérique entière a fini par la connaître. Elle m’a dit qu’à présent ses livres lui rapportaient environ 10 000 dollars par an. Nous ne pouvons pas en dire autant, hein, John ? Eh bien, j’espère que dans cette maison personne ne contribue à enrichir Kathleen Kyd.

Il jeta un regard sévère à Theodora et ajouta :

– Il n’est pas bon que la jeunesse se repaisse de cette camelote sentimentale, c’est comme le gaz d’égout ; ça n’a pas d’odeur mais ça contamine l’organisme sans qu’on s’en rende compte.

Giboulées de mars, nouvelle de Edith Wharton
18 janvier 1900

traduit par Claire du Parc et Aude de Mézerac